Le contexte du jugement : la Cour renverse une loi stricte
Le 26 février 2020, la Cour constitutionnelle allemande a rendu une décision historique. Jusque-là, le suicide assisté « professionnel » était interdit par la loi. Cela signifiait que, entre autres, les médecins ou les professionnels de la santé étaient punissables s'ils aidaient quelqu'un à se suicider ou, par exemple, fournissaient des médicaments qui ont conduit au suicide. La plupart des ordonnances médicales en Allemagne avaient également inclus une interdiction fondamentale dans leurs règles déontologiques. Cette disposition légale était assez stricte et a déjà été critiquée. Un effet secondaire de tout cela était que des personnes ayant des plans clairs de suicide ont déménagé en Suisse. En Suisse, cette aide n'est pas punissable et est fournie par un certain nombre d'organisations à but non lucratif. Un groupe de médecins, de patients et d'organisations s'est adressé à la Cour constitutionnelle. Ils ont obtenu l'annulation des dispositions pénales.
Le verdict : la Cour va plus loin que nos principes sur l'euthanasie
La Cour a pris une position très claire qui va au-delà du débat sur l'euthanasie qui est mené en Belgique. La Cour va également au-delà de la Cour européenne des droits de l'homme.
La Cour assume ce qu'elle appelle la « Selbstbestimmung » de l'homme. Elle se fonde sur l'article 2 de la Constitution allemande. Cet article stipule que chacun a droit au libre développement de sa personnalité, tant que les droits d'autrui ne sont pas violés et que l'ordre constitutionnel ou les principes moraux fondamentaux ne sont pas violés. C'est en somme un texte vague. La Cour traduit cela par « Selbstbestimmung » et en donne une description assez complète. Par exemple, la « Selbstbestimmung » inclut le droit au suicide pour tous. Cela signifie également que quelqu'un peut faire appel à une aide (professionnelle) pour cela s'il le souhaite. Faire de cette aide une infraction pénale, a déclaré la Cour, est inconstitutionnel. La Cour reconnaît que le législateur peut prévoir des procédures, des formalités et d'éventuels délais d'attente, mais a statué qu'il ne pouvait pas imposer de restrictions substantielles. Restreindre ce droit à l'assistance aux personnes en phase terminale, aux personnes qui souffrent, aux personnes atteintes de démence ou à d'autres catégories de personnes est, selon la Cour, contraire à la Constitution. Seules les règles qui renforcent ou assurent la « Selbstbestimmung » sont acceptables.
Impact du verdict : chacun décide pour lui-même comment il voit sa fin de vie
Ce faisant, la Cour va plus loin que ce qui a été suggéré à ce jour par la Cour européenne et par divers législateurs (comme en Belgique). La Cour européenne a admis dans l'affaire Perry que le législateur PEUT prévoir que fournir une assistance professionnelle en cas de suicide (il s'agissait d'une personne souffrant d'une maladie musculaire terminale) n'est pas punissable, mais que la personne concernée ne pouvait pas l'exiger. Le raisonnement de la Cour allemande contredit donc cela. Les législateurs belge et néerlandais ont lié des critères de fond à l'euthanasie. La Cour allemande est d'avis que cela n'est pas constitutionnellement acceptable pour le suicide assisté.
La Constitution allemande est un peu plus explicite sur la liberté de chaque personne de décider de son propre destin. Mais ce n'est pas une différence fondamentale avec notre Constitution.
Le jugement porte sur le suicide assisté ("Beihilfe zum Suizid") et non sur l'euthanasie ("Tötung auf Verlangen"). L'extension de la conclusion de la Cour à l'euthanasie doit donc se faire avec prudence. Cependant, la Cour est très claire lorsqu'elle précise qu'il n'appartient pas au législateur de déterminer les conditions matérielles dans lesquelles le suicide assisté est ou n'est pas autorisé : le droit à l'assistance n'est pas réservé aux personnes gravement malades ou vivant à un certain stade de vie ou de maladie. C'est à chacun de décider pour lui-même. Le législateur ne doit pas se mêler des causes ou des motifs. Seules les dispositions légales qui contribuent à garantir la liberté de décision sont acceptables. Si nous appliquons ce raisonnement à notre législation sur l'euthanasie, nous arrivons à une loi fondamentalement différente.
De quoi nourrir de nouveaux débats : vers une autodétermination complète ?
La Cour allemande a émis un nouveau principe important. La Cour est très appréciée et est reconnue par tous comme une Cour qui ne se fait pas du jour au lendemain. Le jugement fait 96 pages et contient des références aux lois de cinq pays. Je ne serais pas surpris que cette décision soit progressivement copiée dans d'autres pays ou à la Cour européenne des droits de l'homme. Ou au moins fournira du matériel de discussion supplémentaire.